FRÉQUENTER LE MYSTÈRE
Ap 11, 19 - Ap 12,10; Lc 1, 26-31
ND de Lourdes - (11 février 1993)
Homélie du Frère Jean-François NOEL
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orsque nous fêtons les apparitions de la vierge Marie, nous célébrons en quelque sorte un témoignage. Non pas que le mystère de Dieu se trouve davantage dévoilé par les apparitions de la vierge. Il est bien clair que la Révélation est totalement terminée, qu'elle est close. Mais c'est vrai que, pour soutenir la faiblesse de notre foi, parfois sa médiocrité, il faut que des témoignages viennent conforter, enrichir notre espérance. Nous nous sentons souvent trop seuls sur notre propre chemin de chrétien, malmenés que nous sommes par les événements de la vie qui nous sont imposés, par les autres ou par une certaine Providence. Et nous nous sentons comme rejetés sur le rivage, ballottés, sans vraiment comprendre comment il est possible de tenir malgré tout et de continuer à vénérer Dieu qui nous soutient, qui nous aime, qui nous attend.
Et une des richesses de l'Église, un des nombreuses richesses de l'Église est de nous ouvrir le cœur les uns des autres. Quand nous échangeons avec quelqu'un, qui parle de sa rencontre avec Dieu, cette rencontre enrichit la nôtre, elle soutient la nôtre, elle excite le désir. Nous avons besoin de savoir comment Dieu fait pour pénétrer, transfigurer la vie d'un autre pour reprendre en main notre propre vie, reprendre notre chemin de pèlerin, reprendre le chemin vers Dieu et son visage, le chemin de la Béatitude. Et la communion de l'Église c'est, avec délicatesse, la permission que nous avons de fréquenter quelque peu le mystère du cœur de l'autre.
Bernadette nous a ouvert le mystère de son propre cœur de chrétienne. Elle l'a d'ailleurs ouvert tellement qu'elle l'a ouvert à l'Église tout entière et à l'Église universelle. Il est merveilleux de pouvoir, en ce jour, recevoir non pas une révélation supplémentaire ce qui serait une injure à Dieu car tout est dit en son Fils Jésus-Christ mais par contre de recevoir le témoignage d'une femme qui reçoit non pas des révélations comme une privilégiée, mais une façon de vivre avec Dieu qui nous permet à nous-mêmes de reprendre gaiement et joyeusement le chemin de la béatitude.
S'il y a une chose que nous pouvons ressortir des témoignages de ce que disait Marie et qu'entendait Bernadette, c'est une sorte de gaieté, une sorte de gaieté liée à l'exigence de la conversion. Dans le rapport de cette "grande dame" et de cette "petite demoiselle " il y a une sorte de joie certes cachée et pudique mais profonde de deux êtres qui se rencontrent, l'une étant la première sauvée et l'autre devenant, à sa suite une autre sauvée.
Alors recevons le témoignage du cœur d'une chrétienne qui, plus que nous-mêmes, pouvait davantage entendre le cœur de Marie et qui nous témoigne ainsi de la possibilité d'un chemin d'approche de Dieu. La seconde leçon que nous pouvons tirer de Lourdes c'est que Dieu ne ménage pas les signes pratiques pour nous dire le réalisme de son amour. Certes il est bien loin le temps où Dieu manifestait sa miséricorde et son amour aux hommes de l'Ancien Testament et bien loin aussi le temps où Jésus, de son vivant terrestre, manifestait la miséricorde du Père aux pécheurs qui l'entouraient. Mais au cours des siècles nous sont donnés des signes de la proximité, de la réalité profonde de l'amour de Dieu qui loin de planer comme une idée au-dessus de nous, nous rejoint intimement et rejoint intimement toutes nos faibles ses. C'est pourquoi Lourdes est et restera le rappel que c'est l'homme blessé qui est aimé de Dieu, que c'est l'homme qui n'en peut plus, l'homme à bout de souffle, la misère, la faiblesse que Dieu chérit au-delà de tout et qu'il appelle, en chacun de nous, pour pouvoir lui redonner vie et le guérir.
AMEN